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Géopoliticien Aymeric Chauprade chez le FN (interview)

Propos recueillis par SAÏD MAHRANE
À la une du Point.fr

Invité des dernières universités d’été du Front national, le géopoliticien Aymeric Chauprade, 44 ans, a été choisi par Marine Le Pen pour conduire la liste du parti aux européennes en Ile-de-France. L’investiture sera officialisée dans les prochaines semaines. Cet apôtre de la realpolitik deviendra, en outre, le conseiller officiel pour les affaires étrangères de la présidente du FN. Capitaine de frégate de réserve de la marine nationale, il a été, de 1999 à 2009, professeur de géopolitique à l’École de guerre de Paris. Pour avoir exposé, dans un livre intitulé Chronique du choc des civilisations (1), différentes thèses des attentats du 11 septembre 2001, y compris les plus complotistes, l’ancien ministre de la Défense Hervé Morin lui a retiré sa chaire de l’École de guerre.

CHAUPRADE

Après un long compagnonnage avec Philippe de Villiers, celui qui enseigne aujourd’hui à l’académie militaire autrichienne à Vienne, où il vit une partie de l’année, apparaît comme une recrue de choix pour Marine Le Pen, toujours en quête de matière grise. Éditeur chez Ellipses, proche avant tout de Jean-Marie Le Pen, il ne tarit pas d’éloges sur la présidente du FN, dont il défend la vision du monde et de la société à la manière d’un vieux briscard de la politique. Entretien

Le Point.fr : Vous étiez, en septembre, un des orateurs des universités d’été du FN. En 2014, vous serez le candidat du parti aux européennes en Ile-de-France. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous y engager ?

Aymeric Chauprade : Pour l’instant, je suis l’un des nouveaux adhérents du Front national, un parmi tant d’autres. Je n’existe pas dans l’organigramme du parti et je ne serai candidat aux élections européennes qu’à la condition que Marine Le Pen le décide. Je vous laisse donc la responsabilité de cette information.

Ce qui m’a poussé à apparaître aux côtés de Marine Le Pen est simple : je ne supporte plus, comme beaucoup de Français, de voir le pays sombrer. J’ai beaucoup travaillé à l’international ces dernières années. J’ai eu le temps de comparer, de chercher à comprendre ce qui arrivait à la France. J’ai côtoyé nos élites mondialisées, qui semblent indifférentes ou inconscientes face au déclin de l’Europe, parce qu’elles vivent de mieux en mieux de la mondialisation. Et ma conviction s’est renforcée que, face à la désindustrialisation, à l’immigration incontrôlée, à l’incapacité à réformer, il n’y avait d’autre solution crédible que de restaurer la souveraineté et changer de projet européen. Je rejoins le Front national parce qu’il est la dernière chance pour la France de garder sa civilisation.

Vous serez, par ailleurs, le conseiller de Marine Le Pen pour les affaires étrangères. Comment définiriez-vous votre vision du monde, qui sera donc la sienne dans les années à venir ?

Pour l’instant, je conseille Marine Le Pen à titre officieux, et je dois dire qu’elle n’a besoin de personne pour avoir “une vision du monde”. Elle en a une qui lui vient de Jean-Marie Le Pen, lequel, dès 1990 et la fin de la guerre froide, s’est affirmé comme le véritable héritier de la vision gaullienne en politique étrangère : l’indépendance nationale et l’équilibre face aux impérialismes. Comme Marine Le Pen, je souhaite donc que la France puisse continuer à se faire entendre dans le concert des nations, dans un monde multipolaire, dans un monde en profonde mutation démographique et économique. C’est le projet euro-atlantique qui porte la responsabilité de cet effacement français dans le monde. Avec une démographie certes modeste sur le plan mondial, mais importante sur le plan européen, une France libre, jouant de son territoire mondial (sa présence outre-mer, NDLR), de ses atouts maritimes, de sa tradition diplomatique, de la francophonie aussi, une France soutenant un autre projet européen, fondé sur un axe Paris-Berlin-Moscou, aurait la capacité de jouer un rôle de premier plan, même sans une démographie d’échelle asiatique. Tout n’est pas que nombre en matière de puissance.

Vous défendez l’idée, souvent contestée, d’un choc des civilisations. C’est le titre d’un de vos livres récemment réédité (1). Quels sont, selon vous, les principaux “blocs” qui s’opposent aujourd’hui ?

Le choc des civilisations n’est pas une idée, mais une évidence historique que les grands historiens de la “longue durée”, tels Fernand Braudel ou René Grousset, ont largement éclairée. Rappeler cette évidence, c’est se prémunir de l’angélisme destructeur qui frappe la civilisation européenne aujourd’hui, face à l’islam en plein réveil, face au projet global américain et face à l’ascension de l’Asie. Mais rappeler l’évidence historique ne signifie pas que l’on ne soit pas favorables au dialogue des civilisations. Nous défendons justement, devant une mondialisation négatrice des identités culturelles, le droit des civilisations et des nations à exister. Cette vision du monde est en réalité la plus à même de préserver la paix internationale, parce qu’elle défend l’équilibre des puissances, le droit des peuples à exister de manière souveraine, la diversité culturelle des nations et des civilisations, et refuse l’ingérence et le bellicisme au nom de la prétendue défense des droits de l’homme.

À entendre Marine Le Pen, ce choc des civilisations se jouerait également sur le terrain national… N’est-ce pas une manière d’instrumentaliser les peurs, notamment celle de l’islam ?

Ce que dit Marine Le Pen est là aussi une évidence qui apparaît comme telle à un nombre croissant de Français : la civilisation française est menacée par le multiculturalisme. La réalité est que le modèle d’assimilation s’efface devant une logique de remplacement des Français, qu’ils soient d’ailleurs de souche ou assimilés, par des communautés étrangères. Les fractures à l’intérieur de la société française sont de plus en plus évidentes, malgré le déni de réalité des médias dominants, et elles peuvent conduire, du fait des courbes démographiques, à l’explosion violente de notre société. Donc, notre projet politique n’est pas seulement un projet de paix internationale, c’est un programme de paix intérieure. L’économie peut se “réparer”, mais l’identité difficilement. Ceux qui ont fait l’effort de s’assimiler, par amour de la civilisation française, comprennent ce que je dis. Ils savent que notre projet ne s’attaque en aucun cas à la couleur de peau ou à la religion. Et ils vont nous rejoindre en masse, j’en suis convaincu.

Votre livre vous a coûté, en 2009, votre chaire de géopolitique du Collège interarmées de défense pour un chapitre dédié aux attentats du 11 Septembre… Vous y exposez les différentes thèses, y compris les plus complotistes, sans jamais adhérer à la version officielle. Est-ce toujours le cas ?

Je n’ai pas perdu la chaire que j’occupais depuis dix ans seulement à cause d’un livre. Cela a été le prétexte utilisé par les atlantistes du gouvernement de Sarkozy pour tenter de faire taire une voix gaullienne qui avait une certaine audience dans les milieux de défense. Quant au complotisme, ce sont ceux qui le traquent partout qui en font un usage quotidien. Nous vivons sous un régime qui, presque tous les jours, explique aux Français qu’ils seraient menacés par un complot d’extrême droite contre la République.

Qu’est-ce qui menace le plus la France, selon vous ?

Ce qui menace la France, c’est la peur : la peur de nous-mêmes, de notre identité et de notre histoire, la peur du peuple dans le clergé médiatique de gauche comme dans certaines classes aisées de l’UMP où l’on rechigne à mêler son vote à celui de l’employé et de l’ouvrier Front national, la peur de l’avenir chez tous ceux qui nous expliquent sans cesse que l’on ne peut, ni ne doit, toucher à la mondialisation, à l’Europe, qu’il y a un sens de l’histoire inéluctable. Quant à la prétendue peur de l’étranger, elle n’a jamais existé de manière significative chez nous, sinon nous n’aurions pas accueilli plus de dix millions d’étrangers et mis généreusement à leur disposition un État-providence que des générations de Français ont bâti par leur travail.

La peur peut aussi conduire au racisme. Comment considérez-vous les différentes déclarations de militants FN au sujet des étrangers ou encore de Christiane Taubira ? (Lire notre article)

Deux ou trois incidents, quand il ne s’agit pas tout simplement de grossières manipulations, sur plus de 800 candidats, cela fait moins de 0,4 %. C’est très étonnant de voir la presse à plein temps sur une telle poussière statistique. Cela révèle d’ailleurs davantage la réalité d’un acharnement médiatique contre le Front national que celle d’un prétendu racisme. Une information juste consisterait à constater que, dans un climat où le patriotisme est violemment attaqué, plus de 99,5 % des cadres et membres du Front national font preuve de sang-froid et de mesure et refusent de mettre tout le monde dans le même sac. Comme Marine Le Pen réagit vite et bien à tout excès ou perte de sang-froid, les Français prendront de plus en plus conscience, face à la panique de nos adversaires, de notre sens des responsabilités et du gouvernement.

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