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Egypte : le général Sissi appelle à une refonte en profondeur du discours islamique

Traduction par Hélios d’Alexandrie d’un article du journal égyptien Youm7, suivi de son commentaire:

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(Youm7) Le 11 janvier dernier, le général Abd el Fatah el Sissi a dit dans un discours adressé au directorat chargé du moral des militaires égyptiens : «L’ajustement [lire le changement ou la refonte en profondeur] du discours religieux constitue la principale bataille, et le plus grand défi que le peuple égyptien doit relever.» Il a souligné la nécessité de présenter une nouvelle vision et une compréhension moderne et globale de l’islam, en remplacement du discours immuable qui a cours depuis 800 ans. Il a dit aussi qu’il incombe à tous de se conformer au vrai islam, afin d’améliorer l’image de cette religion aux yeux du monde, attendu que l’islam est jugé à travers le monde, depuis des décennies, comme étant la religion de la violence et de la destruction, à cause des crimes commis faussement en son nom.

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Commentaire d’Hélios d’Alexandrie :

L’historien et penseur égyptien bien connu Sayed el Qemni a qualifié la montée de l’islamisme en Égypte (Frères musulmans et salafisme wahhabite) comme une version moderne de l’invasion islamique du septième siècle après Jésus-Christ, et d’après lui la version moderne est bien pire que l’ancienne. Sayed el Qemni n’a pas prêché dans le désert, l’été dernier plus de trente millions d’Égyptiens sont sortis dans la rue, à deux reprises, pour exiger que l’on mette fin à la tyrannie des Frères musulmans. L’armée s’est inclinée devant la volonté du peuple, elle a déposé Morsi et, confrontée à une vague sans précédent de violences organisée par les Frères musulmans, elle n’a eu d’autres choix que de dissoudre la Confrérie et de la déclarer hors-la-loi en tant qu’organisation terroriste.
Il s’agit d’une nécessité absolue, car il y va de la survie de l’Égypte en tant que nation.

Les Égyptiens, sans en être pleinement conscients, ont en quelque sorte amorcé la RECONQUISTA de l’Égypte, une reconquête morale lourde de sens et aux conséquences imprévisibles. Le général Abd el Fatah et Sissi a vu sa popularité monter en flèche du seul fait d’avoir écouté le peuple. Cet homme qui, il y a à peine un an, ne s’imaginait pas devoir jouer un rôle politique de premier plan, se trouve par la force du destin placé à la tête de son pays. Il y a une raison à cela et il faut la chercher dans l’âme de l’Égypte éternelle, ou si l’on préfère dans l’inconscient collectif des Égyptiens. En effet l’Égypte musulmane a refoulé son passé pharaonique et chrétien, ce passé qui est aussi sa vraie nature remonte lentement à la surface et cherche à s’exprimer. Or il est fondamentalement incompatible avec l’islam, s’il ne l’était pas il n’aurait pas été refoulé. L’inconscient collectif des Égyptiens est à la recherche d’un pharaon qui redonne à l’Égypte l’équilibre, l’harmonie et la paix, c’est la raison pour laquelle el Sissi, s’exprimant au nom des Égyptiens, parle de l’importance de la refonte en profondeur du discours islamique.

Comment se fait-il qu’un chef militaire se mêle d’un sujet qui ne relève pas de ses compétences? Si l’on se réfère au régime pharaonique, la réponse est simple : le pharaon dans l’Égypte ancienne n’était pas seulement le roi, il était également chef religieux et par le fait même intermédiaire entre ses sujets et les dieux égyptiens. Son autorité s’étendait sur tous les temples et sur tous les prêtres. Parce que l’Égypte renoue tranquillement avec sa vraie nature, son nouveau chef se trouve naturellement à assumer sa responsabilité morale de pharaon, car il s’agit bien de responsabilité morale, la civilisation de l’Égypte ancienne n’aurait pas duré plus de trois mille ans si l’institution pharaonique ne reposait pas sur des bases morales solides. La morale égyptienne se résume dans le concept de Maat que l’on peut traduire par vérité-justice-équilibre-ordre-harmonie-paix, tout le contraire de l’islam.

Voilà pourquoi le général el Sissi considère que la refonte du discours islamique constitue la plus grande bataille que l’Égypte doit gagner et le plus grand défi que le peuple égyptien doit relever. Or le discours islamique ce n’est ni plus ni moins que l’islam lui-même, dans la mesure où il repose sur le coran, la sunna et la charia; le refondre ou le corriger revient à modifier en profondeur la religion pour que l’âme de l’Égypte éternelle et son génie puissent émerger de nouveau. Il s’agit d’une nécessité absolue, car il y va de la survie de l’Égypte en tant que nation.

Mais el Sissi est aussi un homme de son temps, il comprend l’importance de redonner à l’islam, qui demeure la religion officielle du pays, une nouvelle image. L’islam doit cesser de se ressembler, en tant que «religion de la violence et de la destruction» il n’est ni vendable ni même présentable, il sent d’ailleurs le vieux à plein nez puisqu’il n’a pas changé d’un iota depuis 800 ans. Quitte à ce que la greffe prenne difficilement, il y a lieu de lui imposer des éléments nouveaux (libre arbitre, tolérance, respect de la différence, humilité, pardon etc.) qui le rendront plus sympathique et surtout plus compatible avec l’âme de l’Égypte éternelle. El Sissi fait le pari que le peuple égyptien poussera un profond soupir de soulagement quand la version revue et corrigée de l’islam lui sera présentée.

Le temps presse, l’Égypte doit se remettre en selle rapidement parce que sa survie est en jeu. L’islam tel qu’on le connaît est son principal handicap, l’islam doit changer en profondeur. C’est ce que le peuple égyptien désire au fond de lui-même et c’est ce que le général el Sissi a parfaitement compris.

Rédigé le 05/02/2014 dans Chronique d’Hélios d’Alexandrie, International, Islam | Lien permanent

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